Maurice Marinot, un verrier révolutionnaire

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MAURICE MARINOT

Un verrier révolutionnaire du XXe siècle


2012_NYR_02608_0071_000(maurice_marinot_a_bottle_with_stopper_circa_1930) Maurice Marinot – Bouteille avec bouchon – 1930


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1880 – 1960

Peintre curieux de formes et de couleurs, qui s’est mis à la fabrication de verrerie. Il utilise, pour cette nouvelle technique, les mêmes outils que les artisans verriers : canne d’acier, pinces, moules, lames de fer. Né en 1880 à Troyes, il monte sur Paris en 1901 pour s’inscrire à l’école des Beaux-Arts. Il fait partie du groupe des Fauves et prend part à leurs expositions. A l’âge de 23 ans, il claque la porte des Beaux-Arts, ne supportant plus l’instruction trop académique selon lui. Il revient à Troyes, près de sa famille, où son père dirige une usine de fabrication de bonnets – d’où l’autoportrait ci-dessus de Marinot avec un bonnet. Il continue à peindre et sa palette de couleurs se révèle être très chaude. Même s’il adhère, comme on a vu, au Fauvisme, ses œuvres empruntent les codes des impressionnistes. Maurice Marinot se révèle être un infatigable dessinateur, croquant ainsi ses proches – comme la famille Lévy, sa famille et sa fille Florence – mais aussi des scènes personnifiées.

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Maurice Marinot – Eglise des Noès en pleine après-midi – 1905

Côté portrait et scènes personnifiées, il a peint, pour ne donner que deux exemples, ces tableaux, le premier représentant une brodeuse à la fenêtre, le deuxième Pierre Lévy affalé dans son canapé au milieu de sa bibliothèque.

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Maurice Marinot – La brodeuse à la fenêtre – 1907

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Maurice Marinot – aquarelle – Pierre Levy dans sa bibliothèque

Il peint sans cesse, souvent inspiré par la nature, la femme et les natures mortes qui sont son terrain de prédilection.

En 1912, à l’invitation de l’architecte André Mare, il retrouve Jacques Villon, Roger de la Fresnaye et Marie Laurencin, pour décorer la Maison Cubiste.

Enthousiasmé par la visite de la verrerie des frères Viard à Bar sur Seine, sa carrière va prendre un tout autre virage. Il va alors consacrer 25 ans de sa vie à la fabrication de verrerie et à perfectionner la technique du verre. Il devient alors, avec passion, un ouvrier verrier, qui très vite acquiert les bases de cet artisan d’art. Il se consacre à l’art de la verrerie jusqu’à la fermeture de l’usine Viard en 1937. Ses premiers verres sont très colorés avec des incrustations d’émaux et présentent un décor figuratif. Ses œuvres font penser à des blocs de glace ou à des pierres transparentes teintées.

« Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, qui soit à la fois si précieux et si simple ».

 André Derain

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Bare-sur-Seine au temps des verriers – la Verrerie – Département de l’Aube

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Maurice Marinot – dessin de ses outils d’ouvrier-verrier – 1920

Dès lors, il viendra tous les jours à l’atelier Viard. Chaque matin, il arrive par le train de 9h. Il s’installe toujours sur le même banc et retrouve toujours les mêmes outils, outils qu’il avait laissés la veille. Il travaille la technique du verre jusqu’à 17h, oubliant parfois de déjeuner.

 « Pendant le déjeuner des ouvriers, il travaille au four jusqu’à 1h30 ».

Antoinette Deguilly, secrétaire à la verrerie

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Maurice Marinot – VaseCouvert – 1912 – décor émaux représentant une église

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Il va ainsi créer plus de 2 500 pièces : flacons, vases, coupes, bouteilles, généralement signées sur le fond. Chaque objet reste une pièce unique. Il dessine la forme des pièces, fait réaliser le verre par des ouvriers – dans les premiers temps – et s’occupe de la décoration. De 1913 à 1922, il produit des verres blancs, limpides, bullés ou craquelés au décor d’émaux aux couleurs généralement bleue, rouge, violacé et jaune.

Durant la Première guerre mondiale, il a été affecté au service de santé des armées au Maroc. Cela a mis un coup de frein à l’activité de verrier. C’est alors qu’il a repris ses pinceaux et ses toiles et peint des paysages personnifiés du Maroc.

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Marinot – Au Maroc deux arabes a l’oie – Musée beaux-arts de Quimper – 1917

Huile sur carton – 27X22cm

Après le conflit mondial, il reprend le chemin de la verrerie Viard et continue à produire. Le verre est orné dans sa masse avec des poudres métalliques, des émaux, des bulles d’air, des craquelures et des gravures à l’acide. Il va peu à peu délaisser l’usage exclusif des émaux et commencer à s’intéresser au travail sur le verre chaud. A partir de 1919, il commence à creuser à la surface du verre. La gravure à l’acide et à la roue sont nouveaux pour lui – il ne les utilisait pas avant 1914.  Il expérimente un nouveau procédé pour ses décors : le décor à l’intercalaire. Entre deux couches de verre, il insère des impuretés qui vont créer de larges traînées colorées.

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Dessin préparatoire et réalisation verrerie – dessin Guillaume Janneau

verre Marinot – 1920

A partir de 1923, c’est dorénavant lui qui va souffler ses productions, rendant ses œuvres encore plus uniques. Sa renommée se fait assez rapidement. Il expose régulièrement lors des Salons d’Automne, Salons des Indépendants, Salons des Décorateurs ou encore lors des Grandes expositions internationales comme à Munich, Barcelone, Paris, Londres, Venise, Wiesbaden, New-York. L’exposition des Arts Décoratifs de 1925 va consacrer le triomphe de Maurice Marinot. Il arrive à créer une véritable alchimie entre les différents éléments : l’eau, la terre, le feu et l’air, comme une fusion élémentaire pour une production recherchée et raffinée.

 « Je veux contraindre le verre tout en faisant apparaître sa vie propre. Que le résultat soit celui d’une lutte avec ses actions et ses réactions comme les choses de la nature ».

Maurice Marinot

Petit vase ovoïde en verre bullé à inclusions vertes et sablées. Signé et daté MM 1921.

Maurice Marinot – Petit vase ovoïde en verre bullé à inclusions vertes et sablées.

Signé et daté – MM 1921

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Maurice Marinot – Vase – 1923 – décor à entrelacs bleus

Ses œuvres se dépouillent de plus en plus pour devenir abstrait. Les vases prennent l’aspect de roches naturelles, sans but utilitaire parfois, juste comme des objets d’art. de 1927 à 1937, Maurice Marinot est le plus moderne des verriers, modelant à chaud ses verres épais.

 « Il y a longtemps qu’une innovation de si grande importance n’était venue enrichir l’art du verre ».

Léon Rosenthal dans la Gazette des Beaux-Arts

Il expose toujours chez son marchand d’art, la Galerie Hébrard rue Royale à Paris.

 « Après un long perfectionnement, il a acquis la liberté de l’artiste verrier et réalise des flacons au décor interne et profond formant un tout organique cohérent ».

René Jullian lors de l’exposition rétrospective de Maurice Marinot en 1965

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Maurice Marinot – Flacon – 1928 – Décor verre citron tigré rouge – MNPL1816

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Maurice Marinot – Flasque – 1928 – Décor reflet rouge et violet

 Extrêmement productif, il a peint plus de 2 500 toiles et laissera derrière lui environ 2 500 verreries. Ses toiles sont plus rares que ses productions en verre car beaucoup disparurent. En effet, lors de la libération de la ville de Troyes en 1944, énormément de toiles furent détruites dans l’incendie de sa maison.

 « Songez que, de tout ce que j’ai fait depuis 1914, il ne reste rien ».

Maurice Marinot, lettre 19 septembre 1944 adressée au couple Lévy (en parlant de ses peintures)

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Maurice Marinot – 1929 – Décor triangle – MNPL1712

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Maurice Marinot – Flacon – 1934 – Décor quatre feuille – MNPL1707


Petit focus sur le verre :

Technique qui est apparue sous l’ère chrétienne, il apparaît que l’industrie du verre reste prisonnière de petits moyens de fabrication : objets assez petits destinés à la parfumerie, aux onguents et à la décoration pure. C’est grâce à l’arrivée du soufflage à la canne qu’il a été permis de créer des grandes pièces. Après la chute de Byzance au XIIIe siècle – là où le verre était populaire en Orient – que cet art se déplace à Venise, devenant une porte d’entrée permettant d’inonder complètement l’Europe occidentale.


Pour information, une estimation d’un petit vase de Maurice Marinot peut s’acquérir en salle des ventes pour 10 000 à 15 000€. Cela est due au fait que très peu d’œuvres de cet artiste verrier circule sur le marché de l’art.


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Fichier téléchargeable en version PDF : Maurice-Marinot

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